Pour
des raisons techniques, je ne vais pas pouvoir présenter la chanson
« We shall not be moved » comme annoncé dans le
post précédent. A la place, je vous propose de découvrir une
chanson très bien connue des amateurs de folk music américaine :
« I ain't gonna be treated this-a way »,
également connue sous les titres « I'm goin' down this road
feelin' bad » et « Lonesome road blues ».
Il s’agit d’un morceau chanté par les migrants depuis plus d’un
siècle le long des routes américaines, qui conte leur espoir de
trouver la terre promise, un pays ou
“ l’eau a le gout de vin".
Sidney
Robertson n'est ni la seule, ni la première à enregistrer ce chant,
Robert B. Waltz et David G. Engle dénombrent 38 enregistrements de
cette chanson, la première version par Henry Whitter datant de 1923
a été enregistrée par le label Okeh (The Ballad Index, 2012 ).
Comme pour beaucoup de folk songs l'auteur est inconnu et il
existe de nombreuses versions. Cette chanson a été interprétée
par plusieurs folk singers et blues men célèbres dont
Bascom Lamar Lunsford, Fiddlin' John Carson, Big Bill Broonzy et bien
sûr, Woody Guthrie.
Contexte
d'enregistrement
Sidney
enregistre cette chanson le 27 décembre 1938 à Shasta Dam, dans la
région de San Francisco. L'interprète se nomme Warde Ford et fait
partie d'une famille chantante dont le répertoire s'étend des
ballades Childiennes traditionnelles aux chansons de migrants plus
récentes en passant par les longues ballades contant des événements
historiques. Lui et la collectrice se sont rencontrés dans le
Wisconsin en 1937. Depuis il a déménagé en Californie où il
travaille dans le grand chantier du bassin de retenu de Shasta Dam (
chantier public lancé en 1937 ).
Robertson
réalise cet enregistrement dans le cadre du projet de collecte en
Californie du Nord dont elle est l'instigatrice et qu'elle dirige
pendant plus d'un an et demi, entre octobre 1938 et mars 1940. Ce
projet, qui permet l'embauche d'une vingtaine de personnes au
chômage, s'inscrit dans le cadre de la politique réformatrice du
New Deal et est co-sponsorisé par l'université de Berkeley, la
bibliothèque du Congrès et la Work Progress Administration (qui
paye le salaire des employés dont celui de Sidney Robertson).
L'objectif de ce projet est de réaliser une collection exhaustive de
toutes les musiques folk pratiquées dans le nord de la
Californie (excluant néanmoins les musiques venues d'Asie et les
musiques des Africains-Américains et des Natifs-Américains). La
collection a été ensuite archivée dans l'Archive of American
Folk Song de la bibliothèque du Congrès et à l'université de
Berkeley mettant ainsi à la disposition des chercheurs les
enregistrements de plus de 800 chansons issues des traditions de
seize groupes ethniques différents vivant en Californie du Nord (
Anglo-saxon, Arménien, Assyrien, Basque, Croate, Finlandais,
Hongrois, Islandais, Italien, Mexicain, Norvégien, Portugais, Porto
Ricain, Russe, Écossais, et Espagnol). En plus des enregistrements,
la collection comprend d'autres matériaux de recherches tels que des
photographies, des dessins des instruments de musique rencontrés,
des notes de terrain très riches, et la transcription et traduction
d'une partie des paroles des chansons. (cf:
http://lcweb2.loc.gov/ammem/afccchtml/cowhome.html)
Pour
écouter l'interprétation de Warde Ford c'est ici :
http://memory.loc.gov/afc/afccc/audio/a420/a4206a2.mp3
Traduction
des paroles :
«
Je descends de cette route et j'me sens mal,
Je
descends de cette route et j'me sens mal,
Je
descends de cette route et j'me sens mal,
Mais
je n'serai plus traité de cette façon.
Où
ils me nourrisse avec du pain de maïs et du fromage, seigneur,
Où
ils me nourrisse avec du pain de maïs et du fromage,
Où
ils me nourrisse avec du pain de maïs et du fromage,
Mais
je n'serai plus traité de cette façon.
J'vais
là où ce vent gelé ne souffle jamais, seigneur,
J'vais
là où ce vent gelé ne souffle jamais,
J'vais
là où ce vent gelé ne souffle jamais,
Mais
je n'serai plus traité de cette façon.
J'vais
là où le climat sèche mes vêtements, seigneur,
J'vais
là où le climat sèche mes vêtements,
J'vais
là où le climat sèche mes vêtements,
Mais
je n'serai plus traité de cette façon. »
Cette
chanson est interprétée sans accompagnement musical, ce qui est
assez habituel dans les collections des années 1930, d'une part
parce qu'il était très difficile d'enregistrer les instruments de
musiques ( même si on trouve quand même des chants accompagnés à
la guitare, au violon ou au banjo) et d'autre part parce qu'il
s'agissait d'une forme jugée plus authentique, l'accompagnement
musical étant considérée par certains collecteurs comme une marque
de modernité. On verra que Sidney Robertson n'est pas vraiment
partisane de cette vision puriste, néanmoins beaucoup de ses
enregistrements sont uniquement vocaux.
La
structure en AAAB des paroles se rapproche de la forme d'un blues, il
n'y a pas de refrain mais seulement quatre couplets chantés sur la
même grille d'accord pentatonique. Sidney Robertson note que cette
version est différente de celle chantée dans le sud des États-Unis
où « du pain de maïs et du fromage » est remplacé par
« du pain de maïs et des haricots ».
///
Une chanson qui illustre les préoccupations de son temps:
« I'm
Goin'
Down
This
Road
Feelin'
Bad »
et la Dust Bowl Migration
Les
notes de Robertson sur le disque donnent quelques indications sur
l’histoire de cette chanson,:
“
apprise
dans le Wisconsin d’un habitant du Kentucky. Des variantes de cette
chanson ont été chantées durant soixante-dix ans sur les routes en
direction de l'Ouest en Amérique. Depuis 1933, elle est devenue la
chanson des familles migrantes tractées hors du Texas, poussées
hors de l'Oklahoma par la poussière, et de l'Arkansas par les
inondations."
Robertson
fait ici référence aux fermiers désargentés poussés à migrer
vers la Californie suite à une série de désastres qui frappent les
Grandes Plaines dans les années 1930. La baisse des prix agricoles,
l’effondrement du système financier et les catastrophes
écologiques sont à l’origine de cette vaste migration de plus de
300 000 familles, attirées par les annonces promotionnelles
dépeignant une Californie mythique. Cet épisode de l’histoire
américaine a marqué durablement les mémoires car il renvoie au
caractère illusoire de ses mythes fondateurs. L’image de
l’Amérique et en particulier de la Californie, comme Land
of Hope offrant une seconde chance aux nouveaux arrivants
d’atteindre le bonheur matériel et spirituel est mis à mal par ce
que l’on appelle communément la Dust Bowl Migration, en
référence aux tempêtes de poussières qui ravagèrent une partie
des Grandes Plaines à cette époque. Cette fois-ci, les migrants ne
partent pas pour la Californie dans l’espoir de faire fortune,
comme lors de la Ruée vers l’Or des années 1840, mais par
désespoir et dans l’unique but de survire aux affres de la Grande
Dépression.
A
leur arrivée en Californie, les migrants Okies ( diminutif
pour Oklahomans, au départ péjoratif, puis utilisé par les
Okies eux-même comme forme d’affirmation identitaire) sont
victimes d’une violente campagne xénophobe dénonçant l’aide
que leur apporte le gouvernement fédéral, en particulier les
campements installés par le ministère de l'agriculture dans les
vallées agricoles de Californie pour les accueillir dans des
conditions humaines ( abris en dur, sanitaire, infirmerie, activités
culturelles etc...). Les discours des anti-Okies s’appuient sur une
dialectique xénophobe: les Okies seraient incultes, violents,
voir criminels et leur manque d’hygiène risquerait de favoriser
l’apparition d’épidémies. Pour limiter la prolifération de ces
pauvres White Trash qui volent le boulot des honnêtes gens,
certains vont jusqu’à proposer des solutions eugénistes
aberrantes comme la stérilisation systématique des nouveaux
migrants ! Les patrons des grandes exploitations agricoles quant à
eux, voient les Okies comme une main d'œuvre qui doit rester
bon marché, et pour prévenir toute tentative de contestation
embauchent ce que l’on appelle des vigilants, homme armés chargés
de maintenir l’ordre dans les factories in the field (usines
des champs).
Face
à cette situation intenable, une série d’intellectuels et
d’artistes décident de soutenir les familles migrantes en
témoignant de leur profonde détresse. Il en résulte une série de
créations artistiques prenant fait et cause
pour les Okies.
Parmi les plus célèbres ont peut
mentionner le roman de John Steinbeck, Les raisins de la
colère, les photographies de Dorothea Lange, en particulier sa “
Migrant Mother” et les Dust Bowl Songs de Woody
Guthrie.
Il
semble important de noter que ces œuvres en faveur des Okies,
ne sont pas pour autant vierges de stéréotypes, ainsi Steinbeck
dépeint les Okies comme
des êtres un peu simplets et Dorothea Lange, par une mise en
scène très poussée, accentue les signes de leur détresse, créant
ainsi une version mythique et misérabiliste de la migration. Notons
aussi que ces œuvres occultent complétement le sort des saisonniers
mexicains renvoyés chez eux à l’arrivée des migrants WASP
( White Anglo-Saxon Protestant) et des travailleurs agricoles
africains-américains qui n’étaient pas acceptés dans la plupart
des campements gouvernementaux et dont les conditions de vie, de ce
fait, étaient encore plus rudes.
La musique a joué un rôle central dans la quête identitaire du groupe Okie, qui bien que ne faisant pas partie d'une minorité ethnique, religieuse ou raciale s'est retrouvé au ban de la société dans les années 1930.La sous-culture Okie est encore très vivante dans les années 1960:
"Okie From Muskogee" de Merle Haggard:
http://www.youtube.com/watch?v=3UZUJQ5i8gk
Après les années
1940, les Okies sont repassés du côté des dominants en même
temps que leur revenus ont augmenté ( grâce à l'industrie de
l'armement). Certains historiens ont souligné le revirement
idéologique très conservateur des descendant des Okies.
Cette chanson en témoigne. ( Même si cet aspect de l'histoire culturelle de la
migration n'est pas exactement le sujet de l'article, je ne résiste
pas à mettre en lien cette pépite!)
Alors
que l'ultra conservateur chanteur country Merle Haggard chantait en
1969 dans sa chanson Okie From Muskogee » « Nous
on ne fume pas de Marijuana à Muskogee, on ne prend pas de trip au
LSD, (…) On ne laisse pas pousser nos cheveux longs et hirsutes
comme les hippy », dans les années 1930, le ton était tout
autre, en témoigne les chansons de Woody Guthrie, le « Okie
Troubadour » considéré comme le premier protest singer
et comptant
de nombreux fans dont Bob Dylan, Joan Baez ou Bruce Springsteen.
Comme le souligne Martin Butler : « Les chansons de
Guthrie sur la Grande Dépression, en particulier celle sur le Dust
Bowl et la migration des fermiers du Sud Ouest en Californie,
sont toujours en vogue aujourd'hui et n'ont pas perdu leur attrait. »
Né en Oklahoma en 1912, Guthrie quitte Pampa au milieu des
années 1930 pour la Californie, où il assiste à l'arrivée massive
de milliers de familles désespérées et sans le sou. Guthrie, qui
avait l'habitude de dire que les chansons ne font pas l'histoire,
mais que l'histoire fait les chansons, a dénoncé dans ses Dust
Bowl Ballads l'oppression des petits fermiers, les inégalités
sociales, les haines raciales, et le caractère illusoire du rêve
Californien. Une de ses Dust Bowl Ballads n'est autre qu'une
version adaptée au climat des années 1930 de « Goin Down
This Road Fellin' Bad », qu'il transforme en «
Blowin' Down This Road », en référence aux tempêtes
de poussières.
" Blowin Down This Road", Woody Guthrie
http://www.youtube.com/watch?v=bMgwAE1oxdU
Il
est intéressant de voir comment Guthrie adapte les standards de la
musique folk au désastre de la Dust
Bowl Migration, notamment
en remplaçant le verbe «Goin'»
par le
verbe «Blowin'»,
faisant
ainsi référence aux tempêtes de poussières.
Bon
nombre de folkloristes auraient qualifié d'hérésie une telle prise
de liberté avec le texte original. A l'origine, le travail du
collecteur était d'inhumer la version la plus ancienne et donc la
plus authentique d'une chanson. Mais progressivement dans les années
1930, les folkloristes se détachent de cette approche dite
antiquaire, pour porter leur attention au contexte social
d'interprétation. La valeur d'une chanson n'est plus rapportée à
son ancienneté, mais à son usage, à sa portée sociale et
culturelle. Ainsi, alors que le sort des Okies
occupe
le devant de la scène médiatique, plusieurs
folkloristes, à l'instar de Charles L. Todd, Robert Sonkin, Margaret
Valiant et Sidney Robertson se rendent
dans les camps de la FSA
( Farm
Security Administration) pour
enregistrer les chansons que les Okies
ont amenés avec
eux en Californie. Ces campagnes de
collectes étaient un moyen efficace pour
redorer la réputation de ces derniers,
et par la même occasion, vanter les programmes d'aide du ministère
de l'agriculture. Mais elles témoignent
aussi de cette nouvelle approche anthropologique, qui pousse les
folkloristes à s'intéresser à des chansons auparavant méprisées
par leurs pairs. Le cas Robertson est exemplaire de se tournant dans
la discipline folklorique. Une chanson comme « Goin
Down This Road Feelin' Bad », lui
offre l'opportunité de créer un témoignage, de laisser une trace
des événements causés par la Grande Dépression. Même si Warde
Ford, l'interprète de cette chanson n'est pas un travailleur
agricole migrant, elle saisit
l'occasion dans son article « The
Recording of Folk Music in California »,
(California Folklore Quarterly, vol 1, N1, janvier 1942) de parler de
la musique que les migrants ont apporté avec eux en
Californie : « l'influx
présent des familles venant des régions désertiques et du Dust
Bowl ajoutent aujourd'hui de nouveaux éléments à la culture folk
de l'État. ».
Loin de dénigrer
les chansons que les migrants ont adaptés
des standards
pour témoigner des vicissitudes de leur expérience, elle les inclut
dans ses recherches : « Aujourd'hui
des chansons similaires sont trouvées dans les camps de travailleurs
migrants des vallées de Californie, arrangées des mélodies
largement connues d'origine folk et populaire. Elles rendent compte
des expériences de l'auteur de ballade dans sa migration de la
région du Dust Bowl à la Calfornie. ».
Il
est intéressant de réfléchir à la position de Sidney Robertson
face à ce contexte politique et social déroutant. Quelles sont ses
convictions politiques ? Est-elle engagée en faveur des Okies,
comme certains de ses camarades travaillant pour le gouvernement
fédéral ? Dans ses notes de terrain on pourrait regretter le fait
qu'elle dise rien sur les aspects révoltant de cette migration, ni
ne dénonce, par exemple, le comportement des grands propriétaires
agricoles. Néanmoins, il me semble que la présence de cette chanson
dans sa collection est une preuve de sa volonté de témoigner, de
laisser une trace de l’histoire de cette migration. Ce qui est
surprenant, c’est que contrairement à Margaret Valiant ou Charles
Todd et Robert Sonkin, trois collecteurs qui ont enregistré des
chansons de migrants dans les campements fédéraux de Californie,
Robertson n’enregistre pas la version d’un migrant Okie
venant des Grandes Plaines du Sud Ouest, mais celle d’un homme
originaire du Wisconsin, qui a appris cette chanson d’un homme du
Kentucky. Le fait que contrairement aux autres collecteurs elle ne se
soit pas cantonnée à collecter dans les camps de migrants mais
qu'elle ait aussi enregistré d'autres groupes que les Okies,
prouve que son approche, avant d'être militante, est surtout
académique et vise l'exhaustivité.
///
Sa philosophie de collecte
Faire
l'histoire de l'enregistrement de ce chant de migrant permet aussi de
s'interroger sur les méthodes de terrain de la folkloriste et sur sa
philosophie de collecte. « Ain't gonna be treated this-a
way » est une des 105 chansons que Warde Ford a interprété
pour Sidney Robertson. La collectrice a rencontré Warde, et son
frère Pat que l'on peut également entendre dans plusieurs
enregistrements, deux ans auparavant dans le Wisconsin alors qu'elle
occupait un poste d'administratrice dans les communautés de
travailleurs de la Resettlement Administration. C'est ainsi
qu'elle rend compte de leur première rencontre :
«
Je ne peux résister à mentionner ma première rencontre
avec Warde Ford, à l'époque où il travaillait encore pour un
entrepreneur de pompes funèbres dans le Wisconsin. Il me demanda si
je voulais aller avec lui dans une ville voisine sans préciser que
le seul moyen de transport était une grande voiture mortuaire. J'ai
accepté car il n'y a pas de meilleur moment pour persuader un
chanteur de se rappeler son répertoire que lors d'un long
voyage..... »
Dans
ses notes de terrain elle explique que les deux frères:
« (...)
font partie d'une grande famille chantante originaire du Wisconsin
que j'ai étudiée pendant plusieurs années. Je possède à présent
environ 150 chansons glanées auprès d'eux. La plupart n'avait
jamais été enregistrée jusqu'à ce que je retrouve une partie de
la famille dans le camp de construction de Shasta Dam. »
![]() | ||||
Warde Ford le 3 septembre 1939 à Shasta Dam, Californie |
![]() |
Warde, Pat Ford et ses enfants à Shasta Dam, 3 septembre 1939 |
Les
notes laissées par Sidney témoignent de la nature singulière des
relations qu'elle entretient avec ses interprètes. Non seulement
elle réalise un travail de longue haleine en suivant les membres
d'une même famille sur plusieurs années et dans différents États,
mais en plus elle instaure un type de relation tourné vers la
coopération, bien loin de l'approche paternaliste, voire
condescendante, de certains de ses collègues collecteurs. Ainsi,
elle salut l'effort des membres de la famille Ford, qui ont transcrit
pour elle plusieurs textes de chansons :
« S'il
a été possible de récupérer autant de chansons en si peu de temps
c'est grâce au travail préliminaire effectué il y a un an dans le
Wisconsin et aux efforts des membre de la famille Ford dans le
Wisconsin et en Californie à transcrire les textes des chansons à
partir de leur mémoire collective. »
Cela
peut sembler anodin, et pourtant le problème de la relation
collecteur/interprète est une question centrale dans l’étude du
«champ folklorique». Il faut savoir que tous les collecteurs ne
sont pas aussi respectueux du travail réalisé par les musiciens.
John Lomax par exemple manquait souvent de tact, et savait se montrer
pressant lorsqu’il s’agissait d’amener les chanteurs à
interpréter ce qu’il attendait d’eux. Ainsi, la chanteuse
folk Emma Dusenbury a confié à Robertson ses ressentiments à
l’égard du collecteur qui refusait d’enregistrer certaines de
ses chansons car elles ne lui semblaient pas assez authentiques.
(collection
SRC , boîte 6,bibliothèque du Congrès). Le
comportement du collecteur vis a vis des interprètes a souvent des
répercutions importantes sur le résultat de leur campagne
d’enregistrement. Plusieurs historiens ont pointé du doigt la
tendance de Lomax à
n'enregistrer que ce qui avait valeur à ses yeux d'« authenticité »
et de « pureté ». Ainsi, alors qu'il est à l'époque le
grand spécialiste des musiques Noires, on ne trouve dans ses
collections aucun enregistrement de morceaux jazz ni même de
Spirituals. Pour Lomax, les Spirituals et les morceaux de Jazz ne
valent pas la peine d'être sauvegardés car ils ont déjà été
« contaminés » par la musique populaire blanche. Il
s'agit là d'une approche évolutionniste que rejette notre
collectrice, qui s'attache au contraire, comme elle le revendique
dans bon nombre de ses écrits, à mener son travail de terrain de la
manière la plus objective que
possible.
Pourtant,
elle opère également des sélections. L'absence de musique
afro-americaines,
de chants indiens,
ou encore de mélodies chinoises
ou japonaises,
alors que ces groupes sont très présents en Californie est notable.
Plusieurs raisons
expliquent
ces absences, mais ce sera l'objet d'un prochain article.
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